S'excuser
- Caroline P.
- 15 juin
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 14 nov.
Il y a une peur dont on parle peu : la peur d’être pleinement soi.
Pas celle de se tromper, non. Plutôt la peur de réussir, de briller trop fort, de déranger par sa clarté, son assurance, son intelligence, son intuition.
On s’excuse d’avoir parlé trop longtemps, alors qu’on avait juste une idée à exprimer.
On s’excuse d’avoir « monopolisé » la parole, alors qu’on était passionné.e.
On dit « merci d’avoir supporté mes émotions », comme si pleurer ou être sensible devait être pénible pour les autres.
On s’excuse d’avoir pris une décision qui nous fait du bien, parce qu’on sait qu’elle ne va pas plaire à tout le monde.
On dit « pardon » en prenant la parole, ou même juste en s’asseyant.
Et à force, on envoie un message clair :
Je ne suis pas sûre d’avoir le droit d’être moi-même.
Et puis il y a les petits « pardon » automatiques, glissés entre deux respirations, comme un tic de langage. Mais derrière le tic, il y a un mécanisme. Et derrière le mécanisme, il y a souvent une peur. Celle d’être de trop. Dérangeant.e. Inapproprié.e.
Il est peut-être temps de se poser la question qui gratte :
Suis-je vraiment coupable de quelque chose ?
Ou est-ce que je m’excuse par habitude, pour rassurer, pour ne pas froisser, pour ne pas affirmer ?
La culpabilité fantôme
L’excuse automatique cache parfois une forme de culpabilité diffuse, pas très claire, mais bien ancrée. Comme si, quoi qu’on fasse, on devait d’avance se faire petit.e.
Ce n’est pas toujours conscient. Ça vient de loin. Une éducation où on valorisait les enfants sages, polis, discrets. Une société où la parole d’une femme, d’une personne minorée, d’un hypersensible, est souvent perçue comme « trop ». Trop intense, trop émotive, trop présente.
En thérapie, nous travaillerons l'origine de ce mécanisme et de ce sentiment de culpabilité. Il est propre à chacun.e et peut être alimenté par d'autres évènements et situations que vous avez vécu.
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Alors on s’excuse. Pour ne pas prendre trop de place. Pour se faire aimer. Pour ne pas déranger l’ordre établi.
Mais à force de s’excuser pour exister, on finit par s’absenter de soi-même.
L'estime de soi
S’excuser à tout bout de champ, c’est comme demander la permission d’être soi. Et ça, c’est un poison lent pour l’estime de soi. Parce que derrière chaque « pardon » mal placé, il y a un message implicite : je ne mérite pas pleinement d’être là, tel.le que je suis.
Refuser de s’excuser par réflexe, ce n’est pas devenir impoli.e ou égoïste. C’est apprendre à faire la différence entre :
une faute réelle, qui mérite réparation,
et une affirmation de soi, qui ne regarde que vous.
Petit exercice de conscience : l’auto-observation
Pendant une journée, voire une semaine, prenez note de chaque fois où vous vous excusez
.Notez aussi :
À qui ?
Pourquoi ?
Était-ce nécessaire ?
Qu’est-ce que vous auriez dit à la place, si vous n’aviez pas eu peur de déranger ?
Vous verrez vite émerger des schémas : excuses pour parler, pour dire non, pour demander, pour être triste, pour exister autrement que lisse et silencieux.se.
Si je vous ai orienté sur ce post de l'Atelier, c'est que, pendant une séance, vous vous êtes excusé de pleurer, ou vous m'avez dit merci.
Sachez que dans l'espace de thérapie qu'est le notre, vous avez pleinement la place pour être qui vous êtes, et pour partager vos émotions qu'elles quelles soient.
Un mot personnel, si vous venez de l’Atelier
Si je vous ai orienté moi-même vers cet article, c’est peut-être parce que, pendant une séance, vous vous êtes excusé.e ( de pleurer, de dire un gros mot par exemple ), ou vous m’avez dit merci.
Je veux vous dire ceci :
Dans l’espace de thérapie, vous avez toute votre place.
Votre tristesse, vos silences, vos mots, vos larmes, votre force…
Tout est accueilli, tel quel. Il n’y a pas besoin de vous excuser d’exister ou de ressentir.
Vous êtes ici pour ça.
Et ce « merci » que vous glissez parfois à la fin, presque timidement ?
Je vous comprends, je le reçois.
Mais sachez qu’il n’est pas nécessaire.
Vous ne me devez rien de plus que ce que vous vivez dans cet espace.
Vous me rémunérez pour ce cadre, pour ce travail.
Ce n’est donc pas un cadeau que je vous fais, c’est un engagement professionnel, et profondément humain, que je tiens.
Alors si je vous réponds « de rien », c’est peut-être aussi un vieux réflexe bien ancré!
Mais rappelez-vous : ici, vous n’avez pas à dire merci pour exister.
Le merci se fait implicitement, de part la confiance que vous m'accorder pour vous guider dans votre chemin de compréhension de vous-même.
Vous avez juste à être vous, pleinement. C’est déjà immense et je vous félicite pour votre sincérité envers vous-même au travers de la thérapie.
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