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L'Atelier de la Psyché

Le rejet

Il est des blessures qui ne saignent pas, mais qui marquent l’âme à jamais.

Le sentiment de rejet est de celles-là : une douleur silencieuse, souvent tue, qui ne s’exprime pas par des cris mais par des retraits, des disparitions intérieures. C’est l’impression de ne pas avoir de place dans le monde, de déranger simplement en existant.


L’abandon est le vertige du vide. Le rejet, lui, est la morsure du "non".

Non désiré, non accepté, non reconnu.

Là où l’abandon nourrit l’angoisse d’être laissé seul, le rejet installe la conviction intime de ne pas être digne d’être accueilli.


Entre visible et invisible


Le rejet peut être brutal et explicite : un enfant repoussé, une parole blessante, une exclusion claire. Mais il peut aussi être subtil, presque imperceptible : un regard qui glisse ailleurs, une parole qui ignore, une présence qui ne reconnaît pas. Ces micro-expériences, répétées, finissent par laisser une empreinte inconsciente : « Je ne compte pas, je n’ai pas ma place ».

Dans une perspective psychanalytique, le rejet ne naît pas seulement d’événements concrets. Il s’enracine aussi dans une perception intime, souvent inconsciente, d’être "en trop". C’est une blessure existentielle, une atteinte à l’identité fondamentale.


Abandon et rejet : deux blessures entremêlées


Ces deux blessures se ressemblent, mais ne portent pas la même empreinte.

  • L’abandon naît de la peur d’être laissé seul. Le lien est rompu, le fil se coupe, et le vide surgit. La réaction est souvent de s’agripper à l’autre, quitte à s’oublier.

  • Le rejet, lui, touche plus profondément l’identité : ce n’est pas seulement perdre le lien, c’est sentir qu’on n’aurait jamais dû être inclus. Le fil n’est pas coupé, il est nié. La réaction est alors l’effacement, le retrait, pour éviter un nouveau "non".

Et pourtant, ces blessures se nourrissent mutuellement. La personne qui craint d’être abandonnée redoute aussi le rejet, car la séparation confirme son sentiment de ne pas être "assez". À l’inverse, celui qui se sent rejeté s’attend déjà à l’abandon, convaincu que nul ne restera jamais longtemps auprès de lui.


Les symptômes de la blessure de rejet


La blessure de rejet se manifeste différemment de celle de l’abandon. Là où l’abandonné s’accroche, celui qui se sent rejeté se retire.

  • Évitement : pour ne pas souffrir, il s’efface, se rend discret, invisible.

  • Hypersensibilité : un mot, un geste, un silence peuvent être vécus comme une preuve de rejet. À l’inverse, certains préfèrent étouffer leurs émotions pour ne pas ressentir la morsure.

  • Faible estime de soi : la conviction profonde de ne pas mériter d’exister tel que l’on est.

  • Retrait social : mieux vaut fuir le lien que risquer d’être repoussé.

  • Perfectionnisme : chercher à devenir irréprochable pour espérer enfin être accepté.


Le regard de Lise Bourbeau : le masque du fuyant

Dans sa théorie des cinq blessures, Lise Bourbeau associe le rejet au masque du fuyant. La personne tente inconsciemment de se protéger en disparaissant, en se retirant de la scène. Le fuyant se rend petit, presque transparent, pour éviter de ressentir à nouveau la morsure du "non".

Reconnaître ce masque est essentiel : derrière l’effacement se cache un immense désir d’être vu et reconnu.

Le miroir de la société : une ère du rejet silencieux


Notre époque amplifie la blessure du rejet. La société valorise la performance, la conformité, l’image. Celui qui s’écarte de la norme par sa différence, sa sensibilité, son rythme , risque l’exclusion subtile.

Les réseaux sociaux accentuent ce phénomène : un silence en ligne, l’absence d’un "like", devient un "non-lieu" symbolique. Le rejet n’a plus besoin de mots : il se manifeste par l’indifférence.

Paradoxe cruel : nous n’avons jamais été autant exposés aux regards, et jamais la peur de ne pas être reconnu n’a été aussi vive.

Entre instantanéité des échanges et réalités trop occupées, le temps du lien véritable s’efface et avec lui, le sentiment de légitimité d’exister dans le regard de l’autre.


De la blessure à la transformation

Travailler la blessure du rejet, c'est redonner droit de cité à son propre être. C'est reconnaître que notre existence n’a pas besoin d’être justifiée, ni perfectionnée, pour avoir sa place.

Cette blessure fait écho à l’Ombre, cette part de nous-mêmes que nous refoulons parce que nous la croyons inacceptable ou indigne d’être aimée. C’est la peur de ne pas être assez, de ne pas être conforme. La guérison commence par un acte de réconciliation intérieure : en intégrant notre Ombre, on accepte de se montrer tel que l’on est, avec nos fragilités, sans chercher à se cacher pour éviter le regard de l'autre.

Le rejet ne nous pousse pas seulement à nous cacher ; il peut aussi activer des archétypes qui, bien que protecteurs, nous enferment dans des rôles.

  • Le Rebelle : Celui qui a été rejeté peut transformer son "non" reçu en une force de contestation. Il se protège en s'opposant à la norme, en refusant de se conformer. Son énergie de colère et de révolte est un bouclier, mais elle l'isole aussi, l'empêchant de se lier véritablement.

  • Le Comique : Pour éviter d’être rejeté, celui qui se sent "en trop" peut se réfugier derrière le rire. Il utilise l'humour comme un masque, une façon d’exister aux yeux des autres sans jamais se montrer tel qu’il est réellement. Il se rend transparent derrière une blague, pour éviter le risque d’une morsure frontale.

Le rejet devient alors une initiation silencieuse. Il nous enseigne que notre place ne se mendie pas, elle se prend, elle se vit. C’est en cessant de nous rejeter nous-mêmes que nous déjouons ce cercle infernal et ouvrons la voie à des relations plus authentiques. Des relations où l’on ne cherche plus à "mériter" d’exister, mais où l’on se contente d’être, pleinement.

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