La Trahison
- Caroline P.
- 6 sept.
- 3 min de lecture
Il existe des blessures qui ne se voient pas, mais qui fracturent en profondeur. La trahison en est une : elle surgit là où la confiance semblait acquise. C’est l’expérience brutale de voir un lien, une promesse ou une fidélité s’effondrer. La parole donnée se défait, la loyauté se rompt, et le sol se dérobe sous nos pieds.
La trahison installe alors une empreinte douloureuse : le doute. « Puis-je vraiment faire confiance ? » Cette question intime devient un fil rouge, marquant nos relations d’une vigilance constante. La trahison ne s'inscrit pas seulement dans un événement, mais dans une perte de confiance en soi et en son propre jugement.
Abandon et trahison : deux blessures entremêlées
L’abandon et la trahison se ressemblent, mais ne portent pas la même empreinte.
L’abandon naît de la peur d’être laissé seul. Le lien se rompt, le fil se coupe, et surgit le vide. La réaction est souvent l’attachement excessif : s’agripper à l’autre pour éviter la séparation.
La trahison, elle, ne vient pas d’une absence mais d’une rupture de confiance. L’autre est bien présent, mais il se détourne, rompt sa parole ou son engagement. La réaction est alors la méfiance, le besoin de contrôle, la vigilance permanente.
Et pourtant, ces deux blessures se nourrissent l’une l’autre. Celui qui a peur d’être abandonné redoute aussi la trahison, car la séparation peut être vécue comme une trahison implicite. Celui qui a vécu la trahison peut développer la peur de l’abandon : « Si je ne peux pas compter sur l’autre, il finira forcément par me laisser. »
Les symptômes de la blessure de trahison
La personne blessée par la trahison vit dans une tension paradoxale : elle désire profondément le lien, mais craint de s’y abandonner. Cette peur colore ses relations d’une vigilance constante.
Besoin de contrôle : surveiller, vérifier, anticiper pour ne plus être pris de court.
Hypervigilance : scruter les moindres signes de déloyauté, craindre la trahison même avant qu’elle n’advienne.
Jalousie et méfiance : soupçonner l’infidélité, redouter la déception.
Colère sourde : un ressentiment profond et enfoui envers ceux qui ont brisé la confiance.
Surinvestissement relationnel : tout donner pour être irréprochable et éviter d’être trahi à nouveau.
Cette blessure est une invitation à rencontrer notre ombre du pouvoir : cette partie de nous qui veut dominer pour ne pas être dominée. Par peur de la trahison, on est parfois tenté de trahir ses propres valeurs pour garder le contrôle de la situation.
Le regard de Lise Bourbeau : le masque du contrôleur
Lise Bourbeau associe cette blessure au masque du contrôleur : celui qui veut maîtriser les situations, prévoir l’imprévisible, empêcher la surprise de la trahison. Ce masque a du sens, mais il ne dit pas tout. Car derrière le contrôle se cache une peur plus archaïque : la peur d’être dépendant. La trahison est douloureuse parce qu’elle révèle la fragilité du lien de confiance. Alors, mieux vaut garder la main, ne rien lâcher, plutôt que de s’exposer à une nouvelle rupture.
Le miroir de la société : la confiance fissurée
La blessure de trahison dépasse la sphère intime : elle s’étend au collectif. Notre époque est traversée par une crise de confiance envers les institutions, les élites politiques ou les promesses économiques. Les grands récits semblent trahir leurs promesses, laissant un goût amer de désillusion.
Mais, en miroir, une autre dynamique émerge : la quête d’authenticité. Nous réclamons plus de transparence et de loyauté. La dénonciation des abus de pouvoir, des mensonges ou des manipulations traduit cette exigence : retrouver des fondations fiables, non plus sur les illusions, mais sur la vérité partagée.
De la blessure à la transformation
Guérir de la trahison ne consiste pas à effacer la douleur ni à redevenir naïf. C’est apprendre à transformer la méfiance en discernement, le contrôle en confiance lucide. C’est aussi réapprendre à faire confiance à sa propre voix, à s'affirmer et à exprimer ses doutes, pour que la trahison perde de son pouvoir.
Des archétypes peuvent accompagner ce chemin :
Le Guerrier, qui apprend à canaliser sa colère, non pour détruire, mais pour défendre ses propres frontières.
Le Sage, qui accepte que la confiance trahie ne retire rien à son discernement, et qui choisit d’avancer avec plus de lucidité.
Le Rebelle, qui, par son refus de se conformer, apprend à ne plus trahir ses propres valeurs.
Ces figures permettent de transformer la faille en fondation. La trahison cesse d’être une condamnation à la méfiance, pour devenir une initiation. Elle nous enseigne à aimer plus consciemment, à nous engager avec clarté, et à bâtir des liens fondés non sur l’illusion, mais sur la vérité partagée.
.png)



