Juillet : Le conte de la lune de Gratitude
- Caroline P.
- 1 juil.
- 4 min de lecture
Sous les algues, la perle
Le soleil avait quitté l’horizon, mais la chaleur de la journée flottait encore dans l’air comme le souvenir d’une fièvre passée. La Marcheuse avançait sur un sentier de terre douce, les pieds nus pour mieux sentir le pouls du monde.
Elle n'avançait plus à l'aveugle. Elle avait appris. Appris à nommer ses peurs sans qu'elles ne la dévorent, à tracer ses frontières sans culpabilité, à parler sa vérité sans trembler. Elle avait fait des choix, coupé des racines mortes, accueilli ses ombres. Elle était devenue, à bien des égards, l'artisane de sa propre vie.
Pourtant, malgré ces victoires, une fatigue d'un genre nouveau pesait sur ses épaules. Ce n’était pas la lassitude du corps après une longue marche, mais celle de l’âme qui a longtemps été sur le qui-vive. La fatigue du soldat après la bataille, quand le silence qui suit la clameur est encore peuplé de fantômes et d'échos. Un bourdonnement subtil persistait en elle. Un "et maintenant ?" qui flottait dans le vide laissé par les combats.
Elle s'était tant concentrée sur ce qu'il fallait changer, guérir, surmonter, qu'elle avait peut-être oublié l'essentiel : vivre dans l'espace qu'elle avait si durement conquis. Elle se demandait si, à force de regarder l'horizon, elle n'avait pas oublié d'honorer le sol sous ses propres pieds.
C'est ce questionnement qui la mena, sans qu'elle s'en rende compte, jusqu'au bord d’un lac. Un miroir d’eau entouré de roseaux, de silence, et de mille étoiles suspendues au ciel. L’Astre-Lune flottait au-dessus de l’eau comme une veilleuse cosmique, sereine et pleine.
La Marcheuse s’assit. La réponse n'était plus dans l'action, elle le sentait. Elle était dans le simple fait d'être là. Inspira profondément. Puis, sans un mot, elle retira ses vêtements et entra dans l’eau.
Le froid la saisit d’abord — un frisson brutal, vivifiant.
Puis, peu à peu, son corps s’habitua.
Elle nagea vers le centre du lac, seule avec la nuit. L’eau l’enveloppait comme une caresse ancienne.
Sous la surface, elle voyait les ombres des algues onduler lentement. Elle plongea.
Là, sous l’eau, le monde était différent.
Tout était ralenti, assourdi.
Elle toucha le fond vaseux, frôla des galets, croisa un banc de poissons fuyants.
Puis son regard se posa sur une forme étrange entre deux pierres : un Oursin.
Petit, piquant, presque invisible.
Elle tendit la main, curieuse. L’Oursin ouvrit lentement ses épines, révélant une perle nacrée en son centre.
Elle la vit. Elle la reconnut.
C’était elle. Son cœur vulnérable. Sa douceur enfouie sous les carapaces construites pour survivre.
Elle remonta à la surface, haletante.
Et dans cette remontée, elle sentit tout ce qu’elle portait encore : les regrets, les jugements, les exigences. Tous ces “tu aurais dû”, “tu n’as pas été assez”, “tu as trop été”.
Quand elle émergea, l’air frais l’accueillit comme une délivrance.
Elle se laissa flotter sur le dos, les bras ouverts.
La Lune brillait au-dessus d’elle. Et dans le silence d’eau et d’étoiles, elle murmura :
— « Merci. »
Pas un merci pour ce qu’elle avait accompli.
Un merci à elle-même. Pour avoir tenu. Pour avoir aimé. Pour avoir douté. Pour avoir osé. Pour avoir été imparfaite… et vivante.
— « Je me pardonne. »
Les mots étaient simples. Mais ils ouvrirent une brèche.
Elle sentit les larmes couler dans l’eau.
Et dans ces larmes, un apaisement.
Le lac la berçait.
L’Astre-Lune la regardait.
L’Oursin, en silence, repliait ses piquants, sa mission accomplie.
Quand elle sortit de l’eau, elle se sentit différente. Pas neuve. Pas transformée.
Mais réconciliée.
Elle savait désormais que sa beauté ne résidait pas dans la perfection, ni dans les masques qu’elle avait portés.
Elle savait que ses ombres n’étaient pas des fautes à effacer, mais des traces de vie à honorer.
Et dans la clarté douce de la Pleine Lune, elle se remercia à nouveau.
Pour chaque chute. Pour chaque pas.
Les Enseignements du conte :
🪸 La vulnérabilité est une force protégée
L’Oursin est petit, discret, piquant. Et pourtant, au creux de son cœur, il abrite une perle. Il nous enseigne que la vulnérabilité n’est pas une faiblesse à masquer, mais une richesse précieuse à protéger avec conscience. Ce n’est pas à tout le monde qu’on ouvre son centre. Et ce n’est pas grave.
Questions pour soi :
Qu’est-ce que je cache parce que je le crois “trop fragile” ?
Quelles protections ai-je mises en place autour de moi… sont-elles encore nécessaires aujourd’hui ?
🌊 Se baigner dans son propre silence
La Marcheuse ne cherche pas de réponse extérieure. Elle plonge. Elle s’offre un bain de vérité, d’oubli temporaire de l’agitation. Dans cette immersion, elle retrouve ce que le mental oublie souvent : le corps sait. Le corps retient. Le corps libère.
Proposition douce :
Prendre un temps au bord de l’eau (ou dans la baignoire !) sans distraction, et poser l’intention de laisser l’eau nettoyer les jugements que l’on porte sur soi.
🤲 Gratitude envers soi : un acte sacré
Ce n’est pas toujours facile de se dire “merci”. On attend souvent que ce soit les autres qui nous reconnaissent. Mais cette lune nous rappelle que nous devons nous remercier nous-mêmes d’avoir traversé. D’avoir survécu. D’avoir continué. Même si ce n’était pas “parfait”.
Questions à explorer :
Pour quoi puis-je me remercier aujourd’hui, sincèrement ?
Si je regardais mon chemin avec les yeux d’une personne bienveillante, que verrais-je ?
🌓 L’imperfection est la preuve du vivant
La perfection fige. La vie, elle, déborde. Ce mois-ci, il ne s’agit pas de “réussir” son chemin intérieur, mais de reconnaître toutes les versions de soi qui ont fait le voyage. Les erreurs, les failles, les moments de confusion : ce sont les sillons où germent la tendresse envers soi.
Exercice introspectif :
Relire une vieille lettre, un carnet, un souvenir — et y déposer un mot de gratitude envers la personne que vous étiez.
Ou écrire à “celle d’avant” ou à son enfant intérieur : “Merci d’avoir tenu, même quand tu ne savais pas où tu allais.”
🪞 La réconciliation avec ses ombres
Cette lune nous offre un miroir : pas celui qui juge, mais celui qui reconnaît. ,Nos parts d’ombre, nos fatigues, nos ratés, nos replis, ne demandent pas à être supprimées, mais regardées avec compassion. La perle, on la trouve rarement à la surface. Il faut accepter d’écarter un peu d’algues pour la voir.
À retenir :
La lumière ne chasse pas l’ombre. Elle la traverse.
L’acceptation est une forme de guérison lente mais durable.
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