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L'Atelier de la Psyché

Août : Le conte de la pleine lune des Herbes

Le cri de sa Terre Intérieure


La Marcheuse traversait un paysage d’or et de silence. Le mois d'août pesait sur la terre, une chaleur lourde qui semblait avoir absorbé tous les sons. Autour d’elle, à perte de vue, les herbes étaient hautes, sèches, cassantes. Elles n'attendaient qu'une étincelle. Le vent chaud faisait onduler cette plaine immense non pas comme une mer, mais comme une respiration lente et fiévreuse. Et dans le ciel, l’Astre-Lune montait, éclatante, presque provocante dans sa perfection opaline.


Le monde semblait figé dans une maturité apparente, une façade de plénitude dorée. Et pourtant, sous la surface, quelque chose grondait.


Depuis plusieurs jours, la Marcheuse se sentait saturée. Ce n'était pas une tristesse, ni une lassitude de l'âme comme celle qu'elle avait connue. C'était autre chose : une sorte d'indigestion psychique. L'été, avec sa cohorte de rires, de repas qui s'éternisent et de fêtes joyeuses, était une saison qu'elle aimait profondément. Mais elle, qui était une "éponge émotionnelle", absorbait tout : les joies bruyantes, les angoisses tues, les attentes non dites de chacun. Elle jouait son rôle à la perfection, celui de l'amie à l'écoute, de l'invitée solaire, souriante et attentive.

Ce masque, était devenu une seconde peau, mais elle commençait à se fissurer.


Chaque "tout va bien ?" auquel elle répondait par l'affirmative lui laissait un goût de sable dans la bouche. Sous les sourires, elle sentait la tension monter en elle, une chaleur qui n'était pas celle du soleil. C'était la chaleur de la colère rentrée, de la vérité non dite, du "non" qu'elle n'osait pas prononcer pour ne pas gâcher la fête. Elle n'en pouvait plus de cette façade, de cette exigence tacite d'être toujours lumineuse.


Ce jour-là, au milieu d'un rire collectif, quelque chose en elle se brisa. Sans un mot, la gorge nouée, elle tourna les talons et s'éloigna du groupe. Elle marcha seule, d'un pas rapide, presque fuyant, à travers les hautes herbes qui crissaient contre ses jambes comme des reproches.


Sa course la mena jusqu'à une clairière abandonnée, dominée par un rocher solitaire. Et là, comme s'il l'attendait depuis toujours, il apparut.

Un Lynx.


Il n'avait pas fait de bruit. Il était simplement là, sorti de l'immobilité de l'air. Majestueux, silencieux, il était l'incarnation même du secret. Ses yeux, deux éclats fauves, ne la regardaient pas seulement : ils la transperçaient.

Son regard semblait voir au-delà du masque, directement jusqu'à l'âme à vif en dessous. Il voyait la colère derrière le sourire, la saturation derrière la disponibilité.


La Marcheuse voulut détourner les yeux, maintenir la contenance. Mais face à ce témoin qui ne jugeait pas, qui ne demandait rien, la digue céda. Les larmes montèrent, brûlantes, acides. Pas les larmes du chagrin. Celles de la rage contenue, de la désillusion, du cri silencieux : "J'en ai assez de faire semblant, de faire parce qu'il faut faire."


Le Lynx s'approcha, d'une démarche souple et puissante. Il ne parla pas avec des mots, mais son intense présence communiqua une permission essentielle : "Tu peux t'effondrer. Tu as le droit de ne plus tenir debout. Laisse sortir ce qui doit sortir."


Alors elle cria.

Ce ne fut pas un cri perçant, mais un hurlement sourd, venu du ventre, de la terre, de toutes les fois où elle avait ravalé ses mots. Un cri qui libérait des mois de fatigue, de pression, de compromis silencieux. C'était une catharsis, le retour brutal de tout ce qu'elle avait refoulé.


Et à l'instant précis où son cri déchira le silence, le ciel lui répondit. Un immense nuage noir, jusque-là invisible, dévora l'horizon. Le vent se leva en une bourrasque furieuse. Un éclair zébra le ciel, et le tonnerre gronda, non pas au loin, mais juste au-dessus d'elle, comme un écho cosmique à sa propre fureur.


L'orage éclata. Une pluie diluvienne s'abattit, drue, violente. Une autre foudre frappa la plaine, et les herbes sèches, si longtemps en attente, s'embrasèrent. Le feu et l'eau. La rage et les larmes. La destruction et la purification.


La Marcheuse resta là, au milieu du chaos, trempée jusqu'aux os, le visage offert à la pluie. Elle regarda le feu courir dans les herbes, brûlant tout ce qui était sec, tout ce qui était mort, tout ce qui n'était qu'apparence. La pluie crépitait sur les flammes, dans un sifflement de fin du monde et de renouveau.


Elle comprit que cet orage n'était pas une punition. C'était une réponse. Le feu, comme le Lynx, n'avait pas voulu sa perte. Il avait voulu sa vérité. Il avait brûlé le décor, la façade, ce qu'elle ne pouvait plus porter. Il avait détruit la prison dorée de son "tout va bien".


Quand le ciel s'éclaircit, ne laissant derrière lui qu'une terre lavée, fumante et une odeur d'ozone, elle s'agenouilla dans la boue fraîche. Elle toucha le sol, encore chaud. Et elle remercia. Pas pour la douleur, mais pour la clarification.


Elle savait maintenant ce qu’elle ne voulait plus jouer. Elle savait que sa générosité ne devait plus jamais être un déguisement pour sa fatigue. Elle avait le droit d'être une terre en jachère, une journée sans soleil, une conversation silencieuse.


Le Lynx, sa mission accomplie, avait disparu, retourné à l'invisible. Et la Marcheuse reprit sa route. Plus légère. Plus vraie. Non pas guérie, mais alignée. Elle n'avait plus besoin de prétendre être la lumière. Elle avait accepté d'être aussi l'orage.


Les Enseignements de la Pleine Lune des Herbes


La Pleine Lune d'août nous éclaire d'une lumière crue, presque impitoyable. C'est une lune de maturité, qui ne nous demande pas de grandir, mais de voir ce qui, en nous, est devenu une façade sèche, une apparence prête à brûler pour laisser place à une vérité plus brute et plus vivante.


🎭 Le Poids de la Persona : Quand le Masque nous Épuise

Nous portons tous des masques sociaux; Le masque de "l'amie parfaite", du "professionnel compétent", de "la fille solaire"... Ces masques sont utiles, mais ils deviennent une prison quand nous nous identifions trop à eux. La fatigue de la Marcheuse est celle de l'âme qui dépense une énergie folle à maintenir une façade ("tout va bien") alors que son monde intérieur est en état de sécheresse. L'orage n'est possible que lorsque le masque se fissure.


  • Question à soi-même : Quel masque est-ce que je porte le plus souvent ? Est-ce qu'il me protège encore, ou est-ce qu'il m'étouffe et m'assèche de l'intérieur ?


🌪️ Reconnaître la Saturation Émotionnelle Être une "éponge émotionnelle" n'est pas une fatalité, c'est un signal.

Le conte décrit un état de saturation où le psychisme, comme une terre sur-sollicitée, ne peut plus rien absorber. C'est le moment où notre frontière psychique, est devenue trop perméable. Le besoin de fuir, le "goût de sable dans la bouche", la lassitude face à la joie... sont des symptômes précieux qui nous alertent : il est temps de fermer les écoutilles et de revenir à soi.


  • À explorer : Quels sont mes signes personnels de saturation ? Une fatigue inexpliquée après un contact social ? Une irritabilité soudaine ? Un besoin impérieux de solitude ? Apprendre à les reconnaître, c'est le premier pas pour se protéger.


🔥 Le Feu de la Vérité : Écouter sa Colère

Dans notre société, la colère est souvent vue comme une émotion négative. Ce conte nous la présente comme une force de clarification essentielle. C'est le "retour du refoulé" : toute la vérité, les "non" et les frustrations que nous avons tus et enterrés finissent par revenir avec la force d'un orage. Le cri de la Marcheuse et le feu qui s'ensuit ne sont pas des actes de destruction, mais de libération. La colère est le feu qui brûle ce qui est mort, ce qui est faux, pour faire de la place.


  • Question à soi-même : Quelle vérité ma colère (ou mon irritation) essaie-t-elle de me révéler ? Quelle est la limite qui a été franchie, par moi-même ou par les autres ?


👁️ L'Œil du Lynx : Donner la Permission à son Ombre

Le Lynx ne juge pas, ne conseille pas. Il voit. Il symbolise cette part de nous, cet "observateur intérieur" ou ce regard thérapeutique qui peut voir la vérité sous la façade. Sa présence est une permission silencieuse : celle de laisser notre ombre (la colère, la fatigue, le refus) s'exprimer. Il nous enseigne que pour être entier, nous n'avons pas besoin de plus de lumière pour chasser l'obscurité, mais du courage de regarder ce que l'obscurité contient.


  • Pratique douce : S'asseoir avec soi-même et imaginer ce regard du Lynx. Un regard qui voit tout, qui accepte tout, et qui donne le droit à toutes les parties de nous d'exister, même les moins "présentables".


Après l'Orage : La Clarification, pas la Perfection

La catharsis, la décharge émotionnelle, est douloureuse mais nécessaire. La Marcheuse ne ressort pas de l'orage "neuve" ou "parfaite", mais "plus vraie", "plus légère". Le but du travail sur soi n'est pas d'atteindre un état de bien-être permanent, mais un état d'alignement.

C'est accepter d'être aussi l'orage, et pas seulement la journée ensoleillée. La véritable paix ne vient pas de l'absence de conflit, mais de la capacité à traverser nos propres tempêtes et à en récolter la sagesse.

 
 
 

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